Il comprenait ? Etait ce vraiment ce qu’il avait osé dire ? Et même qu’il serait patient ? Non, Noam perdait sérieusement la tête. Sortant du Bones en claquant la porte, sa voiture était garé à quelques mètres. Il aurait pu monter dans la mustang et rouler pendant des heures pour se calmer. Pourtant il avait choisi l’option B. Marcher, laisser exploser sa colère et s’en prendre à tous ceux qu’il croiserait. Mais à quoi avait il penser ? Qu’elle le quitterait pour lui. Comment pouvait il encore espérer qu’elle fasse ça ou même qu’elle se batte contre la maladie ? ça le rendait totalement dingue. Elle le rendait cinglé. Dans tous les sens du terme. Les rues défilaient à coté de lui et le temps d’un instant, il fut envahit par une soif intarissable. De l’alcool. Boire. C’était la solution non ? Il se soulerait jusqu’à oublier l’existence de cette journée. Du regard qu’ils avaient partagé avant qu’elle rejoigne l’autre. Il bouillait de l’intérieur. Elle savait tout ce qu’il y avait à savoir de lui. Ses qualités, ses défauts. Ses aspirations. Elle pouvait même prévoir ses réactions comme lui-même le faisait avec elle. Elle retournait après de lui, après tout ce qui c’était passé ses dernières semaines ! A croire que ça ne comptait pas à ses yeux.

Il tentait de maîtriser cette colère mais rien n’y faisait. Il était hors du lui. Il faisait tout pour remonter la pente et lui être agréable. Il gardait tout pour lui. Jamais il ne se confiait à Aidan, Jessie ou Joyce de ce qui se passait entre eux. Il lui avait fait le serment de remonter la pente et elle. Charly prenait un malin plaisir à lui broyer le cœur. Elle retournait à chaque fois vers ce fiancé qu’il détestait plus que tout. A cette seconde il aurait bien joué au fléchettes pour passé ses nerfs sur le portrait de ce type que Charly comptait épouser. Comme s’il comptait la laisser faire ! Les mâchoires contracté, la respiration difficile, son pas se pressait de plus en plus. Ses pensées s’emmêlaient tellement qu’il sentait poindre une douleur dans son crâne mais il l’ignora. Sans même faire attention à ce qu’il faisait, il bouscula une personne qui l’interrompit dans ses pensées, l’appelant par son prénom. Il s’arrêta alors, jetant un regard en arrière. C’est alors qu’il se pinça la lèvres puise passa une main sur la nuque.

« - Joyce. » souffla-t-il. « Je… désolé. Je t’ai fais mal ? » s’inquiéta-t-il mal à l’aise. C’était tout lui. Il fonçait tête baissée et songeait ensuite aux conséquences. Il baissa une seconde la tête pour remettre ses pensées en ordre. Un mince sourire s’étira sur son visage, bien que mal à l’aise. « Dire que t’as faillit finir piétiné par un ours ! » ironisa-t-il en parlant de lui. « Pas trop de dégâts ? »

Sortant de l'épicerie, Joyce ne regardait pas vraiment où elle allait, trifouillant dans son sac à la recherche de ses clés et de son portable. L'opinion publique qui disait qu'on ne retrouvait rien dans un sac de femme était tout à fait vrai, pourtant quand on y regardait de plus près il n'y avait pas tant de choses que ça dedans. Le problème était que la chose précise que l'on recherchait avait constamment tendance à être coincée entre les papiers de la voiture, les paquets de mouchoir, la liste de course ou encore les quelques crayons, mascaras et autres rouge à lèvres rangés là en cas de besoin. Si nos mains n'étaient pas encombrées il n'y avait pas de problème à trouver - en bataillant toujours néanmoins - l'objet de notre quête. Or dans ce cas précis, la brunette portait des sachets de produits qu'elle venait d'acheter à l'instant et ne pouvait pas se permettre de les poser à terre, monopolisant ainsi un bout du trottoir. Bon la circulation piétonne n'était pas si importante que ça à cette heure-ci, n'empêche qu'elle n'avait aucune envie de se retrouver avec un râleur sur les bras. Soupirant, elle fit s'envoler une mèche de ses cheveux qui retomba devant ses yeux deux secondes plus tard. Elle leva les yeux, esquivant tout juste un lampadaire par la droite avant de s'arrêter du côté mur du trottoir. Elle finit par abandonner, déposant ses affaires au sol pour se concentrer entièrement à sa tâche. Ses clés furent rapidement trouvées, le porte clé ourson bien visible parmi ses papiers l'aida à les trouver. La peluche lui avait été offerte par l'une de ses sœurs à son dernier anniversaire, et depuis elle ne le quittait simplement plus. Il était un peu son porte bonheur, en y réfléchissant, elle ne lui était rien arrivée depuis qu'elle l'avait. Pas qu'avant elle avait la pire des malchances, mais comme tout le monde, il lui arrivait d'être maladroite et elle avait fini plusieurs à l'hôpital pour une cheville foulée ou un bras cassé. Rien de bien grâce cependant. Son portable, introuvable quant à lui, la rendait nerveuse. Elle commença à se poser des questions sur les lieux où elle aurait pu l'avoir laissé ou perdu. Puis elle se rappela l'avoir utilisé pour la dernière fois dans l'épicerie même. Une des mères d'un enfant à qui elle enseignait avait tenté de la joindre pour discuter et elle n'avait pas répondu assez rapidement. Du coup, elle avait rappeler et était à son tour tomber sur le répondeur de la mère. Elle avait ensuite poser son téléphone sur l'un des présentoirs pour dentifrice et c'est là qu'elle l'avait laissé, tête en l'air. « Bon sang ! » fut tout ce qu'elle trouva à dire tandis qu'elle replaça ses clés dans son sac, le porta à son épaule puis prit ses sachets de courses pour faire demi tour. En observant l'épicerie au bout de la rue, Joyce s'étonna d'avoir parcouru une telle distance, elle avait été tellement absorbée par ses affaires qu'elle n'avait même pas fait attention à l'endroit où elle avait marcher. Heureusement, elle pratiquait ce rituel depuis des mois maintenant, elle pourrait tout aussi bien s'y retrouver les yeux fermés.

Les pas rapides, elle s'activa à rejoindre l'épicerie, espérant bien que son téléphone s'y trouvait toujours. Il était important pour elle, pas seulement pour téléphoner, mais aussi en tant qu'agenda. Tous ses rendez-vous, adresses, contact, parents d'élèves se trouvaient à l'intérieur. Si elle le perdait ou qu'il se cassait elle serait perdue. Elle avait déjà plusieurs fois envisagée de reproduire son contenu sur papier au cas où mais le temps et la motivation lui manquaient bien souvent. Du coup, elle paniquait deux fois plus qu'il ne fallait, accélérant encore un peu le pas, en oubliant même de respirer. Elle se rendit directement vers la caissière qu'elle avait quitté cinq minutes plus tôt pour lui laisser ses sachets puis elle refit le tour des rayons jusqu'à atteindre celui de l'entretien dentaire. Quelle ne fut pas sa joie lorsqu'elle le vit, posé à la place même où elle l'avait laissé. Elle le prit à deux mains et murmura un "merci mon Dieu" pour elle-même avant de le ranger soigneusement dans sa poche de manteau. Rebroussant chemin, Joyce salua une seconde fois l'employée, reprit ses affaires et sortit définitivement du commerce, ravie de pouvoir rentrer enfin chez elle. Jamais depuis qu'elle vivait seule, Joyce n'avait apprécié une seule fois de faire ses courses, elle trouvait ça barbant et ce continuel recommencement l'agaçait. Mais qu'y pouvait-elle ? Deux pas après la sortie, la brunette entreprit de prendre ses clés, bien visibles cette fois, mais elle fut interrompue dans son mouvement par une épaule musclée qui la bouscula. Le choc la fit reculer de quelques centimètres sur le côté et alors qu'elle levait les yeux vers l'homme qui détenait cette force, un nom qu'elle prononçait souvent sortit de sa bouche instinctivement « Noam ? » La façon dont il l'avait bousculée montrait qu'il ne l'avait pas vu, sans doute trop pris par ses pensées. Il n'empêche qu'il avait une sacrée force, même quand il ne faisait pas attention, heureusement pour elle, Joyce n'était ni douillette ni fragile physiquement.

« Heu non ça va... c'est bon. » Elle lui fit ce sourire encourageant et en même temps si timide qui lui était propre, l'observant attentivement, voyant bien que quelque chose le perturbait. « Un ours, vraiment ? Je n'ai presque rien senti. » ce qui n'était pas tout à fait vrai, mais n'étant pas de nature à se plaindre, elle préféra se taire sur ce point et clore le sujet de cette bousculade en le rassurant sur son état « Je vais bien Noam, ne t'en fais pas. Tu es peut-être fort mais il m'en faudra plus pour être ébranlée. » Toujours avec le même sourire, elle passa une main dans ses cheveux et changea de sujet. « On aurait dit une tornade, tu allais où comme ça ? » La question la plus appropriée aurait été "tu venais d'où ?" mais inutile de préciser que Joyce savait pertinemment que Noam le lui dirait si, et seulement si l'envie lui prenait. Il pouvait être très frustrant parfois, autant le prendre avec des pincettes et surtout garder sa bonne humeur. Le connaître depuis des années l'aidait à mieux le comprendre, il n'empêche qu'elle en découvrait tous les jours d'avantage sur lui. Et sur ses autres amis aussi d'ailleurs. Ce qui n'était pas plus mal d'un côté.

Comment pouvait il être assez idiot pour croire qu’elle le quitterait ? Elle était fiancée à un autre. Engagé. ENGAGEE ! repéta Noam pour la millième fois. Pourquoi devrait elle tout foutre en l’air et revenir vers lui ? Parce qu’ils ont eu une petite fille ensemble ? Non, parce qu’elle l’aime tout autant qu’il l’aime. Aimer c’est vivre. Tant qu’elle voudra vivre, c’est lui qu’elle choisira. Pourtant, il aurait préférer s’engueuler avec elle. Au moins, ça le détendrait même si la suite de leur relation risquait d’être chaotique. En même temps, il en avait toujours été ainsi entre eux. Plus ils se disputaient, plus les gens voyaient à travers ses moments là combien ils s’aimaient. Et dire qu’il s’était promit de veiller sur elle et de rester en retrait si elle le repoussait. Il en était incapable. On parlait de Charly, pas d’une de ses aventures qui avait traversé son existence ces deux dernières années. Charly n’entrait dans aucune catégories parce qu’elle n’avait jamais été épargnée par la vie. Mais surtout parce qu’au fil des années, il l’avait vu se transformer en femme. Sa vulnérabilité n’a jamais été un défaut à ses yeux. Il aimait ça. Elle ne pouvait pas se cacher de lui. Il l’aimait telle qu’elle était, c’était ainsi la raison principale qui faisait que jamais il ne serait capable de l’exclure de sa vie. Et ce, même si elle se trouvait fiancée à un type à qui il referait bien volontairement le portrait.

Ses pas s’accéléraient, sa colère continuait de se développer et surtout il ne savait comment se calmer. Soupirant, il continuait son chemin sans s’arrêter. D’ailleurs, il ne regardait même pas où il allait. Il se contentait d’évacuer cette colère dans un marathon. Seulement ses pensées restaient focalisées sur Charly. Elle devait se battre. Elle devait le faire non pas pour lui, quand bien même ça lui ferait plaisir, mais pour Noaly. Elle méritait d’avoir une mère à plein temps. D’avoir une vraie mère. D’avoir ce que Charly n’a pas eu. Peut être même d’avoir ces deux parents en couple… Cette pensée l’obsédait depuis des semaines. L’annonce de sa paternité l’avait ébranlé. Tout comme le jour où elle lui avait avoué avoir un cancer. Deux nouvelles dont parfois il éprouvait quelques difficultés à assimiler. Charly et Noaly étaient ce qui se rapprochaient le plus d’une famille pour lui. Certes ces amis étaient toujours là. Sauf qu’il manquait un maillon essentiel dans sa vie. Lynn. On pouvait dire tout ce qu’on voulait, elle était le maillon fort du groupe. Elle insufflait la vie comme personne. Poussait les gens à faire n’importe quoi du moment qu’ils y trouvaient le bonheur. Et Noam avait tout détruit. Son couple, Charly et lui-même. En partant, il lançait son signal d’autodestruction. Il le comprenait seulement maintenant. Bousculant quelqu’un au passage, ile ne fit pas attention mais son prénom ajouté à une voix familière interrompit ses pensées. Il réalisa alors qu’il l’avait peut être blessée, quand bien même, elle le rassura bien vite. Revenant sur ses pas, il esquissa un lent sourire à ses propos. C’était bien Joyce. Elle savait toujours tiré du bon de lui. Etre là au bon moment pour éviter un dérapage. Sauf que le dernier dérapage en date, avait été inévitable. Il se concentra alors sur sa remarque. « Oh vraiment ?! Ne t’engage pas à dire des choses que tu pourrais regretter ! » ironisa-t-il. Noam était bien bâtit, il avait cette carrure d’athlète. Il attirait sans cesse les regards et ses sourires lui donnaient bien souvent des avantages. Avant Charly. Avant leur histoire. Il papillonnait. Changer de copine toutes les semaines l’amusait. D’ailleurs à une époque, il avait été question d’un rendez vous avec Sara. Sauf que c’était exactement au même moment que Lynn avait mit le nez dans ses affaires et improviser ce premier rendez vous avec Charly. Il s’en souvenait parfaitement bien. L’ébranler, il lui en fallait plus. Une idée traversant son esprit, ses mots franchirent ses lèvres avant qu’il parvienne à les retenir. « Tu veux dire que Josh a enfin réussi à t’ébranler ? » A vrai dire, qui n’était pas au courant qu’il lui courait après depuis toutes ses années. Si Noam n’avait jamais réellement caché ses sentiments vis-à-vis de Charly, tout le monde savait qu’un jour où l’autre ça arriverait entre eux. Exactement ce qu’il espérait que Joyce vive avec Josh. Quand bien même, ce dernier devrait apprendre à bien se tenir avec elle. Sa question le dérouta. Grimaçant, il se passa finalement une main nerveuse dans les cheveux et prit une inspiration. « Je… » balbutia-t-il. « J’avais besoin de prendre l’air… » Mensonge. Il n’avait pas besoin d’air mais de passer ses nerfs sur quelqu’un ou quelque chose. Voyant le regard suspicieux de Joyce, il sut qu’elle le lâcherait pas. « Ok. J’étais au bar… quand Charly est arrivé avec… son mec. » grinça-t-il des dents. Oui, il avait des torts. Non, il n’avait pas le droit d’être jaloux. Mais il ne pouvait pas commander ce genre de chose. C’était fait, il devait faire avec. « Je sais, je l’ai bien mérité… » soupira-t-il avant de croiser son regard. Le temps n’avait rien changé. Il était toujours aussi dingue d’elle, sauf qu’il avait choisit de ne rien brusquer. Mais quand il songeait que quelques jours plus tôt, il était celui qui la serrait dans ses bras et qui la rassurait. Ça le mettait simplement hors de lui. Plus les jours passaient moins ça s’arrangeait entre eux. Ni Noaly, Ni Charly ne parviendrait à le désintoxiquer. Il avait peut être arrêter l’alcool mais une autre dépendance avait prit le relais, son amour pour Charly et sa fille.