Un mois. Ca faisait un mois que la jeune Burgham avait remis les pieds dans sa ville natale. Plus les jours passaient et plus elle remettait ce choix en cause. Elle avait pensé que revenir ici était la meilleure solution qui s’offrait à elle, mais si elle avait eu le tort ? Rien ne s’était arrangé par magie. Les épreuves qu’elle avait du traverser en Syrie la hantait toujours. Elle faisait toujours ses cauchemars, enfin quand elle arrivait à fermer les yeux. Elle aurait pu se jeter corps et âme dans son travail pour oublier tout ça, mais elle n’en avait plus. Elle n’avait plus rien. Plus de travail. Plus d’amis et surtout plus de mari. En pensant à Noah, elle se mit à courir plus vite. Ca faisait bien une heure déjà qu’elle était parti pour un jogging, son ipod déferlant 22-20’s dans ses oreilles. C’était la seule chose qui lui restait pour se vider l’esprit. Elle ne pouvait pas se permettre d’y penser, c’était bien trop douloureux. Pourtant, elle y pensait sans cesse. Tout dans cette ville lui rappelait lui. La ville était un album de tous leurs moments passés ensemble. Poussant la porte de son appartement, elle manqua la crise cardiaque en voyant son père installé au comptoir de la cuisine. Elle venait d’y emménager il y a seulement une semaine. Après tout, c’est pas comme si elle pouvait vivre chez son père éternellement, surtout depuis qu’il avait une nouvelle copine. Erk.

« Y a des façons moins cruels de tuer les gens. » Son père rigola avant de tendre une bouteille d’eau à sa fille.
« Qu’est ce que tu fais là ? »
« Je venais voir quels étaient tes plans pour la journée ? »
« J’en ai pas. Tu me proposes quoi ? » demanda-t-elle avant de prendre une gorgée d’eau qu’elle recracha aussitôt en entendant la proposition de son paternel.
« Une discussion avec Noah. »
« Très drole. »
« Chérie, tu vas bien devoir lui parler un jour. »
« Pour quoi faire ? Pour qu’il me dise qu’il a quelqu’un d’autre dans sa vie ? Pas la peine, je le sais déjà. »

Son père souffla comme à chaque fois qu’ils avaient cette conversation, c'est-à-dire depuis deux semaines. Quand Angie avait vu Noah avec une autre fille, elle avait cru mourir. Littéralement. Son cœur s’était tellement serré dans sa poitrine qu’elle avait manqué d’air. Le pire dans tout ça, c’est qu’elle a conscience que tout est de sa faute. C’est elle qui est à l’origine des papiers du divorce, elle qui les a signé en première et encore elle qui les a envoyé. Sur le coup, elle avait pensé que c’était ce dont il avait besoin et elle le pense toujours. Il veut des enfants et elle ne peut pas lui en donner alors qu’elle est incapable de s’occuper d’elle-même. Il mérite quelqu’un qui pourra lui donner tout ce qu’il veut. C’est pas pour autant que le voir avec une autre femme la blesse moins. Il va sans dire qu’après avoir vu Noah avec cette fille, elle l’a évité au possible.

« En plus j’ai déjà des projets pour cet après midi. »
« Mais t’as dit que t’avais pas de projets. »
« J’ai rendez vous au journal. J’avais pas l’intention d’y aller, mais faire des rubriques nécrologiques, c’est toujours mieux que parler de Noah Anderson. »
« Oh arrête Angie, tu vas détester ce travail. »
« Papa, j’ai besoin de travailler. Si non je vais devenir folle ou partir à l’autre bout de la planète. »

Argument imparable pour le papa poule qu’est Mr Burgham. Gagné. Il murmura un très bien grognon avant de déposer un baiser sur le front de sa fille unique et de quitter son appartement. Elle sourit doucement. Elle n’avait aucune envie d’aller à cet entretien d’embauche, mais c’était peut être pas si mal. Elle avait besoin de se changer les idées et travailler était la meilleure solution. Après une douche rapide, elle partit en direction de Monterey avenue. Il lui restait encore une bonne demi-heure avant son rendez vous. Elle avait encore le temps de prendre un café à emporter et de flâner devant sa librairie préférée, comme du temps de son adolescence. Elle paya son café puis se retourna. Tout le monde connaissait la maladresse de la jeune Burgham, mais sa malchance prenait toujours le dessus sur tout.

« Noah ? » murmura-t-elle, son coeur battant à vive allure dans sa poitrine.

Prendre un café avant d’aller à un entretien d’embauche semblait être une bonne idée. Peut être la meilleure qu’elle avait eu depuis qu’elle était revenue à Hope Mills. Oui parce qu’à part s’enfermer chez elle et se plaindre de son sort, elle n’avait pas fait grand-chose. Et quand on connait Angie l’hyperactive, c’était presque effrayant. Rayons-le presque. C’est effrayant. Depuis toute petite, elle ne sait pas rester en place. Elle est sans cesse en mouvement. Quand elle avait 12 ans, elle s’était cassé la jambe. Dès que son père avait le dos tourné, elle sortait pour s’amuser. Elle a même cassé son plâtre en essayant de monter à un arbre. Il en va sans dire qu’après, elle a été puni de sorti. Elle a bien cru mourir d’ennuie. Heureusement Noah avait été là pour l’empêcher de devenir une loque.

Aujourd’hui, il était plus là. Il était même une des raisons pour laquelle elle était une loque. Elle aurait bien besoin de sortir chez elle, mais elle avait bien trop peur de tomber sur lui, accompagné de sa nouvelle petite amie. Une fois était bien suffisant. Surtout que désormais, à chaque fois, qu’elle fermait les yeux, elle le revoyait avec elle. Elle voyait quelque chose qui lui faisait penser à lui, elle intervenait pour lui prendre la main ou l’embrasser. Elle ne connaissait rien de cette fille et elle ne voulait pas connaitre une seule chose à son propos. Si elle le voulait vraiment, ce serait facile de tout connaitre sur sa vie. Après tout, on est à Hope Mills où tout se sait. Angie la détestait, comme elle avait rarement détestait quelqu’un. C’était idiot parce qu’elle savait même pas son prénom et qu’elle était celle qui avait demandé le divorce à Noah. Certes elle avait voulu qu’il avance, mais c’est pas pour autant que c’était plus facile de le voir avec une autre fille.

Elle se rendait de plus en plus compte de l’erreur qu’elle avait commise. Laisser tomber Noah était affreux et elle en souffrait encore aujourd’hui. Mais s’il était plus heureux sans elle, ça valait le coup. Elle se moquait bien de ce qu’elle pouvait ressentir tant qu’il était heureux. Il lui avait dit qu’il serait heureux avec des enfants et elle savait qu’il serait un père merveilleux un jour. Mais elle pouvait pas. Elle ne pouvait pas être mère. Ca lui était impossible. Elle était bien trop effrayée à l’idée de devenir comme sa mère et d’abandonner son propre enfant. Tout ça pour en revenir au même point. C’était un cercle vicieux. L’histoire du serpent qui se mort la queue.

Bref, en principe, boire un café dehors était une bonne idée. En principe uniquement. Parce qu’à Hope Mills, le hasard aime se moquer des gens. Son cœur s’emballa quand elle aperçut sa silhouette. Son nom s’échappa de ses lèvres avant même qu’elle n’ait le temps de réagir. Elle aurait encore pu fuir, mais c’était trop tard il l’avait vu. Quelle idiote, elle faisait. Son cœur manqua un battement. Il avait l’air tellement en colère. Elle se doutait bien qu’elle l’avait blessé en demandant le divorce. C’est pour ça qu’elle avait préféré envoyer les papiers plutôt que de lui donner en mains propres. Si elle avait du le faire en mains propres, elle n’aurait pas pu le faire.


Angie avait un caractère de cochon. Quand on l’attaquait, elle avait tendance à riposter. C’était plus fort qu’elle. Elle avait été élevé parmi les garçons après tout, ça laissait quelques cicatrices. Relevant la tête, elle lui rendit son regard noir et croisa ses bras sur sa poitrine. « Cool. Noix de cajou a toujours été mon préféré. Il est tellement plus marrant que Noah Anderson. » répliqua-t-elle sur le même ton sarcastique. C’est sur que c’est pas comme ça qu’ils allaient arranger les choses. Elle n’était pas sur que les choses pouvaient s’arranger un jour entre eux. Elle voulait juste savoir comment il allait. Elle le regarda quelques secondes avant de se radoucir. Il avait le droit d’être heureux. « Hum. Désolé, j’aurais pas du dire ça. » Elle remis une mèche de cheveux derrière son oreille avant de relever le regard vers lui. « Tu vas bien ? »

Elle savait qu’elle aurait du rester chez elle, sous sa couette à regarder des films d’amours pourris qui ne se réalise jamais dans la vie. Vous avez déjà vu beaucoup de personnes courir à l’aéroport pour rattraper la femme de sa vie et l’empêcher de partir ? Non n’est ce pas ? Ben oui, parce que ce genre de choses n’existe pas. Angie avait été naïve de croire que l’amour avec un grand A existait. Il n’y avait qu’à regarder ses parents pour comprendre que l’amour n’existait pas et que seule l’attirance régnait sur le monde.
Rien qu’à le voir, elle venait d’avoir l’idée du siècle. Elle allait entrer en cure de désintoxication contre le café. On était aux Etats Unis. Ce genre de choses devait bien exister. Une fois qu’elle sera sobre de caféine, elle n’aura plus besoin de quitter son appartement pour obtenir sa dose quotidienne de ce délicieux liquide noir. Qui elle essayait d’avoir ? Elle ne pourrait jamais se désintoxiqué du café. Comme Obélix, elle était tombée dans la marmite de potion magique petite, les kilos en moins et le café en plus. Il ne lui restait plus qu’une solution : se désintoxiquer de Noah.

Pour ça, il fallait qu’elle lui parle, qu’elle arrive à aligner deux phrases. Après une conversation tout à fait civilisé (même si elle doutait qu’elle arrive longtemps à garder son calme si le sujet de la mystérieuse fille devait apparaitre dans la conversation), elle comprendrait enfin qu’il n’y a plus aucun espoir entre eux et elle pourrait tourner la page. Définitivement. C’est pour ça qu’elle était revenue. Les papiers de divorce n’avaient pas suffit à lui faire tirer un trait sur leur histoire, elle avait besoin d’une rupture plus brutale, pour comprendre qu’il ne l’aimait plus. Parce qu’elle, elle était encore folle amoureuse de lui et c’était ça le plus douloureux.

Remettant une mèche de cheveux derrière son oreille pour éviter de devoir croiser son regard, elle se demande comment ils avaient pu en arriver là. A les regarder, on pourrait croire qu’ils étaient de parfaits étrangers l’un pour l’autre alors que pendant pratiquement toute leur vie, ils avaient été successivement les meilleurs amis du monde, des petits amis exemplaires et des époux comblés. Du moins, elle avait été comblé avec leur mariage, mais lui avait voulu plus, plus que ce qu’elle pouvait lui offrir. Et elle lui en voulait pour ça. Ces derniers temps, elle était tout le temps en colère et elle ne connaissait même pas les vraies raisons. Angie releva la tête et leurs se croisèrent. Son cœur manqua un battement. Heureusement qu’elle n’était pas cardiaque. Il aurait pu la tuer avec un seul regard.

L’espace de quelques secondes, elle oublia qu’ils n’étaient plus mariés et qu’elle n’était pas censée être amoureuse de lui. L’espace de quelques secondes, elle oublia l’image de lui main dans la main avec cette fille dont elle ne connaissait pas le nom. L’espace de quelques secondes, elle fut tenter de se mettre sur la pointe des pieds et de l’embrasser, mais c’était avant d’entendre le son de sa voix la ramener à la réalité. Elle se mordilla la lèvre, pour se retenir de lui dire que n’importe qui était meilleur que lui. Mais elle l’avait fait assez souffrir en demandant le divorce. Du moins, c’est ce qu’elle croyait, mais pour quelqu’un qui souffrait, il était vite passer à autre chose.

D’une nature polie, elle lui demanda comment il allait juste avant de se mettre mentalement une baffe. S’il lui parlait de sa barbie, elle lui mettrait une baffe et pas que mental cette fois. Croisant ses bras sur sa poitrine, elle écouta sa réponse vague et un léger sourire se dessina automatiquement sur ses lèvres. Elle le rendait mal à l’aise, elle le connaissait par cœur. Son sourire s’effaça rapidement quand il lui retourna la question. Est-ce qu’elle devait lui dire qu’elle n’allait pas bien du tout et qu’il lui manquait ? Non, certainement pas. Elle plaça un faux sourire sur ses lèvres avant d’ajouter

« Je vais très bien. » Elle aurait pu s’arrêter là. Oh oui, elle aurait du s’arrêter là, prendre son café et partir, mais avant qu’elle ne s’en rende compte d’autres mots étaient sorti de sa bouche. « Aussi bien qu’une jeune divorcée sans emploi qui voit son mari avec une autre. »